: Fortitude: novembre 2015

Translate

mercredi 11 novembre 2015

Les relations internationales sont à votre portée


http://media.paperblog.fr/i/692/6926639/jour-fallait-commenter-blague-hollande-L-ckwR5B.jpeg









Informations denses et continues, absence de repères fiables, difficultés d’analyse : telles apparaissent les relations internationales ou « politique étrangère » ou « évènements internationaux ». On nous en rebat les oreilles pourtant, encore et toujours.
À l’IFRI – Institut français des relations internationales- j’ai trouvé une sorte de méthode de lecture desdits évènements internationaux qui m’a permis de mieux comprendre ce qu’il se passait dans certaines régions du monde, et de chez moi, sans avoir besoin d’une bibliographie complète sur le sujet, sans avoir besoin d’avoir habité dans la région considérée, et surtout, sans avoir besoin d’avoir fait BAC + x années… 


Source: ifri.org


Comme vous le savez peut être, mon travail et mes goûts me portent vers tout ce qui est international, et j’ai pris mon adhésion à l’IFRI (Institut français des relations internationales) pour en apprendre plus sur ces sujets brûlants. Dans le cadre de cette adhésion, je reçois le bilan annuel de l’IFRI, dénommé RAMSES 2016, c’est à dire Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies. J’ai commencé à le lire, et l’introduction, rédigée par Thierry de Montbrial (auteur du livre : « Une goutte d’eau et l’océan », voir mon article à ce sujet) m’a vraiment plu alors, je vous en dis quelques mots. 
En effet, rappeler la chronologie des évènements internationaux et en offrir une analyse de fond me paraît indispensable, noyés comme nous le sommes dans un flot continu d’informations et de commentaires ou infobésité !

Prêts pour un bref rappel de l’actualité internationale ?
D’abord, l’auteur éclaircit un point obscur sur lequel le public achoppe dès qu’on parle de relations internationales : sommes-nous vraiment dans un « ordre post-ère soviétique » ? Peut-on analyser tous les évènements de l’année écoulée dans ce cadre ? Par exemple : la crise ukrainienne, la guerre au Moyen-Orient et Daech, la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis ?
Tsss. Pour Th. De Montbrial, cette notion n’a jamais existé. Certes, il y a eu effectivement une ère dite « soviétique », que l’auteur a divisée en deux périodes bien lisibles :
-l’entre-deux guerres, marquée par les problèmes territoriaux nés de la fin de la guerre de 14 et par la crise de 1929, puis
- la « guerre froide » après 1945. Après… après, voyons cela.




L’ordre : là aussi, il faut bien comprendre qu’en fonction de la définition qu’en fait le commentateur ou l’analyste, tout ce qu’on peut en dire est radicalement modifié. Deux conceptions de l’ordre s’opposent :
a) l’ordre comme équilibre des puissances ou balance of powers (apôtre : Henry Kissinger), un petit nombre de pays s’équilibrent tant au point de vue territorial qu’économique. Il ne faut pas oublier que la politique étrangère d’un pays est principalement motivée par sa politique intérieure : s’intéresser à ses voisins proches ou aux pays dont il dépend pour ses approvisionnements en matières stratégiques (énergie, alimentaire…). L’ordre est rompu quand un pays ne respecte plus les équilibres, exemple : l’Iraq envahit le Koweït en 1990.
b) Pour d’autres, nommés « idéalistes », l’ordre, c’est le respect du droit et la mise en place d'une sécurité collective. Rien à voir avec la première définition ! D’où, importance du droit international pour résoudre les conflits au sein d’organisations comme l’ONU. 
Le règne du droit international est loin d’être acquis, comme le montre la visite du président soudanais en Afrique du Sud en juin 2015, alors qu’il fait l’objet de poursuites de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. 
Donc, le droit international peut progresser, et là, on touche une notion très ambiguë. Le progrès peut être individuel, scientifique et technologique. Sur le plan collectif, le progrès n’existe pas, sauf sur le plan institutionnel, et uniquement sur ce plan.
Bref, dans tout ça, aucun  pseudo- ordre post ère-soviétique.

Que peut-on dire sur la période que nous traversons ? Voici ce qu’a trouvé l’auteur :
Le système international actuel possède plusieurs caractéristiques :
-multipolarité : facile, finies les jamesbonderies entre l’URSS et les USA, maintenant il y a les BRICS, et plein d’autres acteurs… les pays ennemis ont changé et les alliés aussi !
-hétérogénéité, c’est à dire différences de valeurs morales et idéologiques entre pays, et ça, ce n’est pas près de disparaître. Par exemple, clivage entre l’Europe catholique du Sud et l’Europe protestante du Nord, souvenons-nous des réactions des différents pays de l’UE à la crise grecque par exemple. On ne parle pas assez du clivage de l’Europe de l’Ouest avec l’Europe orthodoxe d’ailleurs…

Ces deux points sont les plus familiers.




-globalité : ça c’était plus dur à comprendre, en fait ce terme recouvre l’interdépendance croissante entre les pays, du fait des flux économiques et démographiques. Même si cette caractéristique n’apparaît pas clairement dans les enjeux stratégiques présents, contrairement à la multipolarité et à l’hétérogénéité, elle sous-tend tous les conflits en cours quasiment.Lla crise ukrainienne pourrait être un exemple : l’accroissement des échanges avec l’Europe de l’Ouest, non seulement commerciaux, mais culturels, technologiques, ont conduit certaines parties de la population à croire qu’ils pouvaient intégrer l’Alliance atlantique « naturellement », sans conflit ni négociations…
-complexité : oups, ça, c’est  l’effet papillon : les conséquences ne sont pas proportionnelles aux causes, cadeau ! Continuons sur l’Ukraine où la demande de l’intégration à l’OTAN a généré une guerre de basse intensité dans le Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie. La complexité, c’est beaucoup plus concret qu’on ne le croie, comme notion ! Et je ne vous parle pas encore du Moyen Orient…

Avec ces éléments, vous avez une explication plus raisonnée du déséquilibre du système, déséquilibre qui a généré la crise financière de 2008 et les printemps arabes.
Bon, vous me direz, tout ça… c’est quand même un peu théorique. 
Attendez la suite. 

Tiens, l’Union Européenne.  Lire ses difficultés à l’aide de cette grille permet de mieux couvrir et comprendre ce qui se passe. 
Le problème majeur de ce groupe de pays, c’est d’avoir intégré trop rapidement un grand nombre de candidats alors que l’intégration de la vague précédente de pays admis n’était pas terminée. En plus, l’euro a été conçu pour aider à cette intégration, sur une hypothèse d’économie en croissance. (concept : hétérogénéité)
Inutile de préciser que l’UE est complètement déséquilibrée, d’autant plus que des forces centrifuges sont à l’œuvre : Grexit (sortie éventuelle de la zone euro de la Grèce), Brexit (sortie éventuelle de l’UE de la Grande-Bretagne)…
Déséquilibre de sa construction, également : les pays peuvent accéder à l’UE, mais ne peuvent en sortir. Rien n’a été prévu pour une sortie soft de certains pays, en fonction de leurs difficultés. Même la constitution de l’URSS prévoyait une sortie possible de la fédération pour les républiques d’Asie centrale!
Th. De Montbrial propose un schéma intéressant sur la structure de l’UE, genre Saturne et ses satellites (pas au sens soviétique, le satellite, hein) : il faudrait plusieurs niveaux d’intégration autour du noyau fondateur France-Allemagne-Italie-Benelux (qui se souvient encore de l'anagramme Benelux à part quelques uns ?)-. Une structure atomique, avec différentes orbites qui tendraient à s'agréger à la masse centrale au fur et à mesure de leur adaptation à l’économie européenne. Qu’il soit possible de sortir des premiers cercles tout en restant dans l’UE, en fonction des difficultés et des crises affrontées. 
La Grèce, par exemple. Dans ce dossier, les dirigeants européens ont totalement négligé, et ce depuis les années soixante dix, la « résilience » des structures sociales et économiques du pays, façon savante de dire qu’aucun contrôle n’a été effectué sur l’adaptation du pays et de ses structures, des niveaux de corruption, de fonctionnement de l’économie en cash et non en argent dématérialisé, etc.

L’analyse à quatre pôles d’un évènement, à savoir : multipolarité, hétérogénéité, globalité et complexité, éviterait aux démocraties actuelles bien des écueils, notamment dans la gestion de crises internationales :

a) éviter que la passion n’enflamme le moindre débat, sans possibilité d’en sortir. Le lendemain du 7 janvier, tous les individus « qui n’étaient pas Charlie » étaient automatiquement taxés de fascisme ;

b) éviter l’idéalisme genre croire que tous les régimes qui tournent le dos à la dictature vont adopter spontanément le régime démocratique, en faisant fi de toutes les structures originales propres à ces pays. Ce qui est bien pour nous, les autres doivent le faire, ils ne s’en porteront que mieux!

Là, on arrive à Daech, espèce d’épiphénomène apparu en quelques mois et devenu une force révolutionnaire qui arrache tout sur son passage, Attila des temps modernes, totalement imprévu par les services de renseignement du monde entier (mais que fait la police ? Où est la cavalerie ? Flûte, on n’est plus dans « Rintintin »). J’aime les termes employés par l’auteur : Daech est une surprise stratégique ! La situation ne serait pas si dramatique qu’elle prêterait à rire de l’incapacité des forces dédiées à prévoir de tels retournements de situations.

Voici quelques extraits de cette introduction, pour vous donner envie de lire ce livre: