: Fortitude: "Une goutte d'eau et l'océan" de Thierry de Montbrial

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dimanche 22 mars 2015

"Une goutte d'eau et l'océan" de Thierry de Montbrial


Thierry de Montbrial, "Une goutte d'eau et l'océan, journal d'une quête de sens"

hieroglyphes.com

Le 10 mars 2015, j'ai assisté à une conférence-dédicace au siège de l'IFRI (Institut français des relations internationales, rue de la Procession, Paris XVè, faite par Thierry de Montbrial, fondateur de l'IFRI, concernant son livre "Une goutte d'eau et l'océan", "Journal d'une quête de sens". Il s'agit d'un journal de bord dans lequel l'auteur, diplomate, diplômé de l'X-Mines, partage ses rencontres avec des sommités françaises et internationales des décennies passées, et surtout, s'interroge sur les "dérives" présentes observées dans notre société. Voici ce que j'en ai compris, réflexions, résumé et extrapolations comprises: j'espère que cela vous intéressera! Réflexions libres tirées de la conférence...
Il s'agit d'un journal de bord dans lequel l'auteur, diplomate,  membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, diplômé de l'X-Mines, partage ses rencontres avec des sommités françaises et internationales des décennies passées, et surtout, s'interroge sur les "dérives" présentes observées dans notre société. Voici ce que j'en ai tiré: j'espère que cela vous intéressera! Réflexions libres tirées de la conférence...

Quelques semaines après les attentats de Charlie Hebdo, après toute cette fièvre médiatique, il m'a paru utile d'écouter ce qu'avait à dire sur ce sujet quelqu'un qui observe de l'intérieur les tendances profondes de notre société, distancié par son poste de "think-tanker" qui l'oblige à la rigueur et l'objectivité.
Thierry de Montbrial a beaucoup voyagé, a été en poste à l'étranger, en Roumanie notamment. Il est de culture catholique.
Sa conférence avait une dimension culturelle et spirituelle. Pourquoi? Parce que, selon lui, les difficultés que nous traversons actuellement (nous= société française dans son ensemble) ne sont pas à rechercher seulement dans les faits matériels, mais aussi dans le fait religieux.

jeuneafrique.com
L'auteur a ouvert le débat en remarquant que beaucoup de gens étaient "perdus". En effet, beaucoup pensent que ce qu'on fait ne change rien.
Pour Th. de Montbrial, raisonner ainsi, c'est normal, cela fait partie de la condition humaine de mettre en doute ce qu'on fait, de mettre en doute la finalité de nos actions.
Cependant il compare nos actions à une goutte d'eau qui vient s'unir à l'océan(voir sur la couverture du livre la belle phrase de Mère Térésa). Sans les multiples gouttes d'eau qui le composent, l'océan n'existerait pas. Sans certaines gouttes d'eau, l'océan serait différent, aurait une composition, une salinité, un comportement différent.
En fait, chaque personne a une mission. Parfois, on peut mettre une vie entière à trouver sa voie ou sa mission. Oui, je sais, écrit comme ça, ça fait drôlement pontifiant. Pontifions donc un peu, pour voir.
Ouahou, chaque personne a une mission. Certes. C'est ainsi que les gens qui partent faire le jihad ont aussi le sentiment de trouver leur mission. Leur utilité. Le but de leur vie.
Nous voilà abordant le problème du jihad. Des gens qui partent pour faire le jihad. Ici ou à l'étranger.

La société française et ses racines


Qui partent pour retrouver des racines.
Quid?
Eh bien oui, l'être humain est comme un arbre. Vous connaissez des arbres sans racines, vous? Pas moi! La mission de chaque être humain s'ancre dans ses racines. 
Et pour les Français, quelles sont ces racines? Les voici (liste non exhaustive):
-les racines gréco-romaines: les arènes de Nîmes, d'Arles, la via Domitia que l'on prend lorsqu'on va de la Côte Atlantique à la Méditerranée...le latin, le grec, ces langues sans lesquelles le français n'existerait pas... Ronsard, poète du XVIè, écrivait: "Mignonne, allons voir si la rose...". Eh bien l'origine du mot "rose" c'est le mot latin "rosa". Ça paraît tout bête, mais c'est comme ça. Le nom de la reine des fleurs de nos jardins vient d'un nom latin! C'est comme ça! C'est une racine! le bouquet de roses que vous offrez à votre maman pour la fête des Mères, la rose que vous tendez à l'élue de votre coeur, c'est une racine gréco-romaine! Il faut le faire, quand même!

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-et les racines judéo-chrétiennes: c'est à dire Notre-Dame de Paris,  toutes les églises qui parsèment le territoire national, les Juifs, le concept de Dieu unique même si on n'y croit pas, tous les monastères, toute la morale de nos sociétés, tu ne tueras point, tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin etc, etc, le buisson ardent, Moïse et les Hébreux qui traversent la Mer Rouge, personne n'a traversé l'Océan Indien avant le tsunami de 2004, la Shoah, le protestantisme, le catholicisme, Luther, l'imprimerie, personne n'a  imprimé ma biographie, la Bible, l'Ancien et le Nouveau Testament, la Rédemption de l'Homme, etcétéra, etcétéra et je t'en passe et des meilleurs! Fais ta liste! Va faire tes courses de racines! Ça t'apprendra, lecteur qui rigole! Oui mon pote, tu baignes dans un océan de racines! Il n'y a pas que des gouttes d'eau dans cet océan, y a aussi des racines! (Peut être qu'un personnage comique, Gaston Lagaffe ou Le Chat répliqueraient: c'est plus un océan, ton truc, c'est une soupe! Je les invite à se manifester...)

Oui d'accord, allez-vous me dire, mais on était dans un débat sur l'actualité, vous vous attendiez à des réponses sur: mais flûte à la fin, qu'est-ce qui s'est réellement passé le 7 janvier? Et nous voilà revenus à la source de nos civilisations! Ça craint! C'est quoi, ce travail?

Religieux: que signifie ce mot?


Déjà, si vous vous posez ces questions, c'est bon signe. 
Bon, revenons à nos moutons: les racines
Nous avons vu que chaque personne a une mission ainsi que des racines culturelles, linguistiques, religieuses...
Ah! Je vous vois tiquer sur le terme "religieux". Je m'y arrête. Stop. 
No panic. Religieux, c'est quoi?
En effet, le mot  "religion" prête à confusion. Pourquoi?
1) ce terme fait référence à la vie spirituelle des gens, leurs croyances, leurs interdits... ce qu'on croit intimement, les convictions, etc.
2) ce terme renvoie aussi aux institutions religieuses, comme le Vatican, le patriarche dans l'Église orthodoxe... qui ont de facto (racine gréco-romaine) un rôle politique.

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Et c'est là où s'articule notre concept franco-français de laïcité: c'est au coeur de ce dilemme: religieux "privé"; religieux "public-politique".


La loi de 1905 Neutralité de l'État dans les questions religieuses...


Quand la loi de 1905 a été votée (en quelle année? C'était le test pour voir si vous suiviez), l'État avait à coeur de limiter l'influence de l'Église, en tant qu'institution, sur la société, mais certainement pas de créer un pays d'athées! Laïcité, ce terme est un peu relou. Parlons donc de séparation de l'Église et de l'État. Chacun chez soi et les oies seront bien gardées. C'est plus clair ainsi. On laisse tomber laïcité, et c'est gonflant à taper sur le clavier d'ailleurs, pour utiliser "séparation de l''Église et de l'État"(c'est nettement plus long, je vous l'accorde, mais l'idée est claire).
Dans l'histoire de France (retour à nos racines), les souverains (jusqu'en 1793, et après aussi) ont eu à coeur de limiter l'influence de l'Église (en tant qu'institution politique internationale, dont le siège se trouvait à Rome, donc à l'étranger). Cette influence irritait au plus haut point Philippe le Bel (XIIIè siècle), Louis XI (XVème siècle), Louis XIV (XVIIème siècle) jusqu'à Napoléon 1er (le Concordat), car l'Église s'immisçait dans la politique intérieure des souverains et prétendait avoir un droit de regard sur tout. Certains souverains ont même essayé d'imposer le siège du Vatican à Avignon! Les petits filous! Pour avoir le Pape sous leur botte. C'était bien essayé mais ça n'a pas duré longtemps. Donc la République, troisième du nom en 1905, s'est située en droite ligne de toutes ces monarchies qui luttaient pour l'indépendance du pays par rapport à l'Église, et a dit: stop là, je réduis l'aspect politique des institutions religieuses en vigueur dans mon pays.
Or, cette décision n'a rien à voir avec le concept religieux que nous avons vu plus haut, à savoir: le religieux intime, la conviction, la foi individuelle.
Dans la France de la IIIème République, les athées étaient minoritaires (athéisme=négation absolue de toute transcendance, pas de survie de l'âme après la mort, on est là pour rien etc, etc). L'État envisageait plus de contrôler l'ascendant qu'avait l'Église sur la société, plutôt que de remettre en question le monothéisme en lui-même. Ce n'était certes pas une remise en cause des racines chrétiennes de la France, mais une limitation des pouvoirs d'une institution bien temporelle celle-là avec siège social, fonds, budget, affidés... l'Église catholique!

1905, c'est loin me direz-vous. Certes. N'empêche que cette loi n'a jamais été adaptée au contexte historique qui est le nôtre, celui de 2015, avec la diversité culturelle, la mondialisation, l'essor des techniques de l'information... 1905, c'est la neutralité de l'État par rapport aux questions religieuses, érigée en dogme.

histoire-image.org

... mais 1905, ce n'est pas l'abolition de nos racines


Donc, il ne faut pas confondre la loi de 1905 avec une législation maudite qui voudrait abolir les racines de tout un peuple! Nuance!
Malheureusement, l'histoire récente est riche de régimes qui se sont imposés en détruisant les racines des peuples qu'ils prétendaient asservir:
-tiens, on va commencer par l'Angleterre, pour éviter la référence automatique au communisme et au nazisme: l'Angleterre de Cromwell, XVIIè siècle, a pillé et détruit tant d'églises et d'évêchés... ils avaient déjà commencé sous Henri VIII, vous savez, le roi qui faisait décapiter ses épouses quand il s'en lassait, et qui a décidé de supplanter le pape à la tête de l'Église d'Angleterre, créant ainsi "l'anglicanisme" et ça, c'était au XVIème... ils étaient en avance sur notre temps, ces gens-là...
-et un coup pour les Français: les biens du Clergé déclarés Biens Nationaux sous la Révolution, combien d'églises, de terres, de monastères vendus ou détruits? Des oeuvres d'art perdues à tout jamais? Qui faisaient partie de la mémoire collective? À dégager!
-et les références obligatoires en matière de bulldozers culturels et sociaux: j'ai nommé:
1) la révolution bolchévique en Russie de 1917 à y a pas si longtemps...
2) le nazisme qui faisait de grands autodafés (bûchers) de livres allant à l'encontre de la morale de ce régime, qui pillait, détruisait sur son passage, populations entières, bâtiments, idem des mémoires collectives des peuples asservis...
3) la révolution culturelle en Chine, 1966, détruisant le patrimoine historique, architectural, livresque d'un immense pays rempli d'art et de spiritualité...

Notre loi de 1905 n'a rien à voir avec tout ça! Elle est la marque d'un gouvernement qui voulait être indépendant par rapport à une autorité religieuse disposant d'une influence remarquable sur la population du pays. Elle mérite probablement une bonne modernisation, mais elle n'a pas contribué à nous éloigner de nos racines ni à plonger notre société dans l'absence  actuelle de repères. Il y a quelques pistes de modernisation sur:
-le financement des lieux de culte
-l'obligation de prêcher en français...
entre autres.


Selon Thierry de Montbrial, le malaise de la société française vient de...


Thierry de Montbrial voit deux origines socio-économiques à l'état actuel du pays:
-la mondialisation sauvage qui permet l'interpénétration non contrôlée des populations;

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-les technologies de l'information, très déstabilisantes: tout se fait sur le registre de l'émotion et de la vitesse. Les TI excitent les réactions instantanées, la raison ne peut plus s'exercer, car, pour raisonner il faut... il faut? (j'attends les réponses, là, magnez-vous, je ne vais pas attendre cent sept ans)
Il faut quoi pour réfléchir?
du TEMPS et du SILENCE!
Or, ces deux éléments fondamentaux n'existent plus dans la vie de beaucoup d'entre nous, du fait de notre rythme de travail (transports etc.), de nos lieux d'habitation (souvent exigus et habitations de masse), mais aussi du fait des technologies de l'information, avec lesquelles il faut réagir immédiatement et fort si on veut EXISTER dans le virtuel! Alors?

Là, j'extrapole la conférence:
C'est ce qu'ils ont fait le 7 janvier à Paris! Ils ont agi vite et fort! Pour frapper l'opinion! Pour faire douter ceux qui doutaient déjà! Pour ajouter encore plus d'indécision et d'incertitude dans une société paumée en quête de repères! Mais ceux qui ont commis ces actes, eux:
-ils ne doutent de rien, ils ont raison;
-ils ont des croyances bien établies;
-ils ont des racines (Islam, Coran, imams, repères sociologiques dans l'Umma ou communauté des croyants musulmans);
-ils ont un dogme et des lois qui leur donnent raison, ce qui revient un peu au point précédent, excusez-moi;
-un avenir idyllique: ils sont morts en héros et seront accueillis au Paradis.
Ils prennent le temps d'aller à la mosquée, d'écouter les prêches de l'imam, de se laisser envoûter, de réfléchir, d'étudier leur livre sacré, de communiquer avec d'autres croyants...

D'où la question: pourquoi pas nous? Pourquoi n'aurions-nous pas, nous aussi, cette force de conviction?
Or, de notre côté:
-nous doutons
-nous n'avons plus de croyances bien établies
-nous nous éloignons de nos racines ou nous les galvaudons,
-nous ne croyons plus en un avenir idyllique (pour ça, je ne peux pas nous donner tort: toutes les idéologies que nous avons suivies pour créer un meilleur avenir mondial ont tourné au cauchemar, sans exception: inquisition, colonisation, voir "le fardeau de l'homme blanc" de Rudyard Kipling, le communisme, le fascisme, la conquête du Nouveau Monde, de l'Australie...)

C'était un article fondé sur une prise de notes lors d'une soirée conviviale à l'IFRI. Qu'on se le dise.

mebahiah42.com


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